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Publié le : 21 avril 2010
siqillat, siiiiiiiiiqiiilaaaaaaaat !!!

A quoi bon ? Quand, comme Cioran le clame, "toutes les eaux sont de couleur noyade", s’entêter à combler l’ennui de nos misérables existences ?.. Que sert de lire de telles Apologies du Néant en premier lieu ? Surtout au moment où nos troubadours évanescents extirpent un nouveau cru de leur Athanor ! En effet, chaque livraison d’ATARAXIA mérite en pré-écoute la fermentation d’un vin au romarin maison et la mise en place d’une atmosphère propice à la contemplation, à la réceptivité, à l’exultation intérieure. Du moins pour tout disciple du groupe italien, de telles conditions peuvent être de mise tant le plaisir de les retrouver est grand (et d’allumer quelques cierges et saupoudrez trois mages & santal sur le charbon chaud, tiens !). Si vous ne pouvez remplir ces préliminaires faute de contraintes quotidiennes, ou vous y refusez car ils vous paraissent trop new-age, il n’en demeure pas moins que Llyr mérite une oreille attentive, sinon deux. La lyre, instrument de prédilection des poètes de la Grèce antique et dont les formes s’inspirent du cygne, invite d’emblée à un voyage auditif dans le temps...

Trois ans le séparent du dernier album studio en date (les mystes saphiques de Kremasta Nera), un laps de temps auquel le quatuor nous avait guère habitué. Certes, l’attente douleur a été ponctuée de rééditions (l’hommage à la musique baroque Concerto No.6, les chants éplorés de naïade pour La Maédiction d’Ondine, le concert acoustique Strange Lights, la splendide version DVD du chevalresque Os Cavaleiros Do Templo), de compilations (une décente rétrospective russe avec Sous Le Blanc Rosier, le recueil de luxe et son cd Oil On Canvas) et d’un 45 tours aérien aux côtés du technosophe autrichien ALLERSEELEN. Loin d’être inactifs ou en manque d’inspiration donc, ils ont longuemnt muri cet album conceptuel, conçu comme un long processus de convalescence afin de panser certaines plaies. "Nous nous sommes intéressés à l’auto-guérison et au chamanisme, en nous laissant guider par les ’signes’ et notre instinct. (...) Llyr raconte l’histoire de Siqillat, un être illuminé qui a traversé les âges et de nombreux pays sous différentes formes (un guérisseur, un prophète, une percussion, une montagne, une source, le vent...) pour célébrer et guérir à travers sa Voix."

Ainsi possédé par la force tranquille de Siqillat, le chant quasi-liturgique de Francesca fait vibrer les sphères et gagne en vertus thérapeutiques de par son amplitude et sa précision. A l’intuition et émotion brute des débuts s’ajoute un perfectionnement manifeste de la technique vocale et une maîtrise parfaite de ces cordes enchanteresses. Passant allègrement des graves aux aigus, le doute subsite toujours autant quant à l’identité de l’émetteur - masculin ? féminin ? orlandesque ? A l’instar de Nico ? Qu’importe, le charme agit, le Verbe vibre et s’épanouit en volutes d’étincelles lumineuses. Appuyée par des choeurs masculins majestueux, la voix s’élève, navigue et ondule sur des rafales rythmiques. Riccardo s’en donne d’ailleurs à coeur joie avec une myriade de percussions (daf, santoor, tablas, tar, cloches, cymbales...), qui font échos aux voyages réels ou astraux qu’on fait nos pélerins de par le globe. D’une Albion fantasmée (pour une reprise en douceur du traditionnel "Scarborough Fair", et "Llyr" qui retranscrit la vision musicale des contrées celtes chères à William Butler Yeats - auteur de ce poème) à l’Inde (un "Gayatry Mantra" propice à la méditation), et toujours du Proche-Orient (les effluves méditerranéennes de "Klepsydra" et ses riffs berçants qui font des oeillades à ceux de Robin Guthrie, les hypnoses orphiques d’ "Elldamaar").

En tout et pour tout dix hymnes aux éléments qui livrent leur baume au travers d’oniriques et relaxantes compositions qui puisent dans le silence primordial leur harmonie avec le monde. Un déploiement d’énergies positives émane alors des accords et arpèges soignés de guitare folk et celle à 12 cordes ; le jeu cristallin, limpide et clair de Vittorio évoque le flot des vagues venant caresser les roches de criques lunaires, tant que le scintillement des rayons de soleil qui parcourent la surface calme de l’océan. Omniprésente dans les travaux du groupe, la mer tient là encore une place prépondérante (du design bleuté du digipack aux plongées abyssales de "Borea"), comme le soulignent avec tant de justesse les embellissements harmoniques de Giovanni, qui officie aux claviers. Plus le fruit d’un cheminement collectif qu’une simple démonstration de talents, ATARAXIA, en flirtant avec la musicothérapie, sygne ici avec maestria une Oeuvre forte de sincérité, à la fois intime et profondément universelle. Aqua bene !..