En mai 2003, les formations néo-classiques italiennes Ataraxia et Autunna et sa Rose avaient partagé l'affiche lors d'un concert organisé dans une ancienne église à Rovigo en Italie. Moment magique que le label Equilibrium nous propose de vivre, du moins partiellement, grâce à ce double CD en édition limitée. Pourquoi partiellement ? Tout simplement, parce qu'au moment de presser l'album, l'un des musiciens ayant participé à ce concert (musicien bien connu des amateurs de musique médiévale qui, à l'époque, assurait les percussions et instruments à vent pour Ataraxia), alors en froid avec ses ex-partenaires, avait refusé sa permission de publication. Ataraxia fut donc contraint de retourner sur place et de réenregistrer les morceaux avec un nouveau percussionniste, mais sans public (d'où l'absence d'applaudissements sur la première plaque). Voilà pour la petite histoire. Maintenant, qu'en est-il du contenu ?
Sous-titrée "Strange Lights", la première galette présente la prestation d'Ataraxia: douze pièces dont deux inédits et plusieurs raretés, le tout réarrangé pour la circonstance puisqu'il s'agissait d'une prestation acoustique avec un piano ancien à la place des habituels claviers électroniques. Le résultat est étonnant et superbe. L'accompagnement musical est, cette fois, centré sur le piano. A l'exception de quelques moments où elle s'exprime plus en avant, la guitare de Vittorio Vandelli se contente de tisser un délicat arrière-plan musical. Les percussions, discrètes, introduisent des effets subtils contribuant à l'atmosphère aquatique de l'ensemble. Cet accompagnement plus dépouillé qu'à l'ordinaire permet au chant de s'exprimer pleinement. Francesca Nicoli apparaît véritablement au sommet de son art, exploitant à la perfection toute l'étendue de ses extraordinaires capacités vocales et émotives. Sirène tour à tour enjôleuse et cruelle, lumineuse et sombre, elle charme et attire l'auditeur dans un univers sonore abyssal où même la beauté est devient inquiétante.
Le second disque, "Logos", est, il faut l'avouer, beaucoup moins accessible et nécessite plusieurs écoutes avant de pouvoir être appréhendé. Interprétations exaltées de poèmes, piano et violoncelle dans des exercices de musique contemporaine, voix de soprano portée jusqu'aux limites de sa tessiture, moments de théâtre où l'on semble côtoyer la folie... l'art sans compromis d'Autunna et sa Rose est vraiment hors normes, pouvant tout aussi bien séduire et envoûter qu'irriter. On y remarquera la reprise pour le moins étonnante de "Egypt" de Tuxedomoon (on devrait d'ailleurs plutôt parler ici de ré-interprétation).
On l'aura compris, pour une grande partie du public ce sera surtout la performance d'Ataraxia qui incitera à l'acquisition de ce double CD. Il s'agit incontestablement d'un must pour tout qui apprécie le groupe. Mais pour tout ceux qui feront l'effort d'y consacrer leur temps et leur âme, des moments de grâce sont aussi à découvrir dans "Logos".

PJH - Août 2005